Les Soeurs de la Croix

Saint-Quentin - 02 - FRANCE

 

 

Entrée rue du Gouvernement

    ...C’est à Roye en Picardie qu’il faut chercher les premiers débuts de ce qui deviendra par la suite la Congrégation des Sœurs de la Croix de Saint-Quentin dont l’Union avec six autres Congrégations en 1976 donnera naissance à la « Congrégation des Sœurs du Christ ».

Cette année scolaire 2001-2002 verra la fin de la présence d’une communauté des Sœurs du Christ dans l’établissement Saint-Jean et La Croix. Cette même école de La Croix que les Filles de la Croix de Roye avaient fondée en 1672.

Elles ouvraient alors une école où furent « reçus avec une égale affection, les pauvres, les adultes et même des personnes âgées qui avaient besoin d’instruction ».

 

Mais revenons aux premiers débuts à Roye .

En 1625, un scandale à l’école de Roye avait bouleversé la population et spécialement les responsables religieux du lieu : Monsieur Bellot, doyen de la collégiale Saint-Florent, Monsieur Claude Bucquet, curé de Saint-Pierre et Monsieur Pierre Guérin, curé de Saint-Georges. Pour que ne se reproduisent pas de tels faits, ils envisagent la création d’une école de filles tenues par des institutrices qui pourraient apprendre à leurs élèves à lire, à écrire, à compter, elles les prépareraient aussi à gagner honnêtement leur vie par des travaux de couture par exemple, en même temps les aideraient à mieux connaître leur religion et à en vivre. Le curé de la paroisse Saint-Georges, Pierre Guérin, homme aussi instruit que zélé, proposa à ses confrères les  noms de quatre jeunes filles qui lui semblaient aptes à s’occuper de l’œuvre envisagée. Elles étaient prêtes, moyennant l’autorisation de leurs parents, à assumer cette tâche.

Dès le lendemain, une assemblée de « personnes notables  : autorités civiles et principales dames de la société royenne » fut réunie et unanimement le projet fut approuvé. Madame Ledoux fut chargée de présider à son établissement matériel et Pierre Guérin en serait le directeur spirituel. L’Evêque d’Amiens confirma cette mission.« le 4 août, jour de Saint-Dominique, les quatre institutrices : Françoise Vallet âgée de 30 ans, Marie Samier, 22 ans, Charlotte 25 ans et Anne 20 ans ,de Lancy cousines des précédentes furent installées avec une certaine solennité, sous la protection de la Sainte Vierge et de Saint Joseph, dans une maison prêtée par Madame Ledoux » Pour toute richesse, elles apportaient avec elles leurs vêtements, leurs instruments de couture, un peu de « bled », 40 écus en numéraire et une immense confiance en la protection de la Providence. On les appelle d’abord « filles dévotes », elles gardèrent les vêtements simples et modestes des personnes pieuses ou des veuves de l’époque. Plus tard, elles portèrent une robe noire, un mouchoir de cou croisé sur la poitrine, à la ceinture un chapelet, une croix de bois avec un Christ sur la poitrine. Françoise Vallet fut désignée comme Supérieure et Anne de Lancy devint son assistante.

Pierre Guérin leur donna un règlement inspiré de la règle des Ursulines :

« Lever à 5 heures du matin, oraison jusqu’à 6 heures, une heure de travail, puis messe paroissiale avec les élèves, classe du matin de 9 heures à 11 heures, examen, repas de midi accompagné d’une lecture spirituelle, et suivi d’une récréation d’une heure reprise de la classe jusqu’à 4 ou 5 heures suivant la saison, adoration d’une demi-heure, et deux heures d’études, 9 heures : nouveau temps d’oraison, examen de conscience et prière, 9 heures trente, chacune se retire dans sa chambre et doit être couchée à 10 heures. Le dimanche après Vêpres beaucoup de femmes et de filles se réunissaient chez les filles dévotes : on résumait le sermon du jour, on lisait la vie des saints, on s’entretenait dans des conversations édifiantes. »

 

Des débuts difficiles

Cette vie de travail porta bientôt des fruits visibles dans la ville de Roye, mais elle rencontra aussi, après peu de temps, contradictions et épreuves. D’abord ce fut le maître d’école, indigne, qui revenu à Roye et n’y pouvant reprendre ses fonctions, se vengea en répandant des calomnies odieuses sur les rapports des filles dévotes avec leur directeur. Mais le bon sens public en fit rapidement justice et décerna en cette occasion aux filles dévotes le nom de « Filles de la Croix » qui deviendra en effet le leur en 1626. Un adversaire plus dangereux fut le Prévôt du Roy, Jean de Friques. Froissé de n’avoir pas été consulté sur l’établissement de l’école, il en contestait la légitimité. L’intervention du doyen de la collégiale Saint-Florent, Monsieur Bellot, permit d’obtenir le 27 juillet 1627 une autorisation régulière signée par les autorités civiles et religieuses. Il était spécifié que les maîtresses d’école ne pourraient exiger « qu’un paiement mensuel de cinq sols tournois par élève » .

Le derrière de l'établissement

 

Rassurées par ce début d’existence légale, les Filles de la Croix firent l’acquisition le 20 octobre 1627, d’une maison plus grande pour accueillir le nombre croissant d’élèves.Mais une tempête plus rude allait secouer le petit institut. Les ennemis de l’œuvre dirigèrent alors leurs attaques contre Pierre Guérin et Claude Bucquet. Ils les accusèrent non seulement d’inconduite mais de propagation d’erreurs sur le plan doctrinal notamment en répandant la doctrine des « illuminés » (3)et de se servir des « guérinettes » pour propager cette nouvelle religion. Des raisons politiques se mêlèrent à ces accusations d’hérésie et on ne sait pas bien, encore aujourd’hui, quel fut l’impact de ceux qui étaient ces illuminés, ni leur nombre, mais à cette époque même l’ombre de l’inquisition était déjà redoutable. Pierre Guérin et les frères Bucquet furent emprisonnés d’abord par l’autorité épiscopale d’Amiens, puis par le Parlement, mais ils furent reconnus innocents de l’accusation d’hérésie par saint Vincent de Paul lui-même qui, après les avoir interrogés, les fit réintégrer dans leurs fonctions ecclésiastiques. Les calomnies et accusations continuèrent sourdement. Pierre Guérin et Claude Bucquet se demandaient s’il ne valait pas mieux abandonner l’œuvre entreprise qui leur coûtait tant de souffrances. Mais Saint Vincent de Paul dont ils prirent conseil les encouragea à persévérer : « loin de céder à la persécution, il faut montrer plus d’ardeur à maintenir cet institut car il sera d’une grande utilité à l’Eglise ». Pierre Guérin se rangea à l’avis du Saint.

 

A suivre


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