Histoire du lycée Henri Martin

(1853 - 1953)

Source d'après le livre "Centenaire de l'association des anciens élèves"

Imprimerie Raspail «L'Aisne Nouvelle»

(Part.1)

 

 

           Pour retracer les grandes étapes de la vie de notre lycée au cours de ce siècle écoulé (1853-1953), nous ne saurions mieux faire que d'extraire quelques passages du discours prononcé par Monsieur le proviseur Chatelain, lors de la célébration en 1953 du centenaire de ce lycée de Saint-Quentin, et de vous les mettre sous les yeux.

 

          Il y a cent ans, les bâtiments dans lesquels nous nous trouvons actuellement réunis pour fêter le Centenaire du lycée de Saint-Quentin n'existaient pas encore. La construction n'en fut entreprise que l'année suivante, et elle ne fut achevée qu'en 1857. Mais, c'est en 1853 que la décision fut prise et que le gouvernement de Napoléon III promulgua le décret érigeant le Collège Communal de notre ville en Lycée Impérial, et c'est cet événement que nous célébrons aujourd'hui.

 

         Ainsi que Monsieur Chatelain le fait d'abord observer :

 

        On ne peut parler du lycée de Saint-Quentin sans parler d'abord du collège qui l'a précédé, et qui a eu plusieurs siècles d'existence.

        La première école fondée en notre ville par l'évêque Alomer remonte au VIe siècle, et elle compta comme élève saint-Médard, qui devait devenir successeur d'Alomer...

 

       Au XIIe siècle existaient plusieurs écoles qui fusionnèrent, grâce à l'action du chapitre des Chanoines, en un collège qui fut appelé le Collège des Bons Enfants. Celui-ci devint prospère et bénéficia de nombreuses libéralités. En 1557, lors de la conquête de la ville par les Espagnols, le collège subit d'importantes destructions, mais fut reconstruit en 1580.

      Jusqu'au XVIIIe siècle, l'établissement fonctionna de façon satisfaisante, malgré quelques difficultés entre le chapitre et le corps de ville à son sujet.

      La Révolution apporta les perturbations que l'on peu imaginer. Après dix ans de fermeture, on rétablit une école reprenant ensuite son titre de collège. Sa prospérité ne fait que croître. Dès 1811, est posé la question de l'érection du collège en lycée. Sous la monarchie de Juillet, la municipalité s'emploie activement pour obtenir cette satisfaction.

    Après avoir ainsi résumé l'origine retracée par Monsieur Chatelain, nous reprenons son texte alors qu'il aborde la phase finale de la construction du nouvel établissement :

 

Projets et formalités

    Un premier projet établi par l'architecte municipal, Monsieur Pinguet, prévoit une reconstruction par paliers sur l'emplacement du collège actuel. Mais on en voit vite les inconvénients : il est difficile de refaire du neuf dans de l'ancien et comment fonctionneraient les classes pendant ce temps-là, au milieu des plâtras et des gravas ? Ce qu'il faut, c'est un établissement entièrement nouveau, et un autre projet élaboré en 1843, repris et corrigé en 1846, prévoit l'utilisation d'un vaste emplacement libre, le Champ de Mars, exactement à l'endroit où nous sommes aujourd'hui. La construction est évaluée à environ 400.000 francs, avec 100.000 en plus pour les achats de mobilier. C'étaient des sommes considérables pour l'époque, mais la difficulté n'était tout de même pas absolument insurmontable.

    Dès lors, des négociations sont engagées par l'intermédiaire du Recteur d'Amiens et du Préfet du département, avec le Ministre de l'Instruction Publique, le Ministre de l'Intérieur et le Conseil Royal des Bâtiments Civils. Je n'étonnerai personne si je dis qu'elles traînent en longueur. L'administration, il y a un siècle, était aussi majestueuse et aussi lente à se mouvoir qu'aujourd'hui. Elle aimait à se s'entourer de toutes les garanties possibles avant de prendre ses décisions, et on ne saurait, au fond, raisonnablement lui en vouloir. Il fallait d'ailleurs, pour obtenir les fonds nécessaires, recourir à un emprunt, et, là aussi, d'importantes garanties étaient nécessaires.

    Un long rapport sur le projet d'établissement d'un Collège Royal, approuvé par le conseil municipal, le 5 août 1845, et un autre sur les voies et moyens, approuvé le 11 avril 1846, sont soumis au Gouvernement. Les négociations se poursuivent encore toute l'année 1846, puis en 1847, elles semble tomber au point mort. les membres de la Municipalité sont assez découragés et à la Révolution qui éclate en février 1848, renversant le gouvernement de Louis-Philippe, semble devoir tout arrêter.

 

Érection du Collège en Lycée Impérial

    Heureusement, si les gouvernements tombent, les administrations ne s'écroulent pas entièrement avec eux. Les projets restent dans les cartons et peuvent être repris. C'est ce qui eut lieu pour celui qui nous occupe ici. Après les années un peu troublées encore de la IIe République et des débuts du Second Empire, la question fut posée à nouveau et, cette fois, elle devait aboutir assez rapidement à une solution. Fort de l'appui du Préfet et du Recteur, le Conseil municipal vote, le 19 mai 1852, les voies et moyens nécessaires pour la création d'un Lycée. Le Ministre de l'Instruction Publique, Monsieur Fortoul, après examen du projet et des plans, se montre favorable à la proposition et l'appuie auprès du Conseil Impérial de l'Instruction Publique. Enfin, après la fixation des modalités d'un emprunt de 450.000 francs destinés au financement de l'affaire, le Gouvernement de Napoléon III, par décret en date du 20 août 1853, accorde l'érection du Collège communal de Saint-Quentin en Lycée de 3e classe.

    Comme je l'indiquais en commençant, ce décret n'était encore qu'une décision de principe. Pendant quatre années encore, tandis que l'on construisait le nouvel édifice, l'établissement, tout en ayant ses études organisées sur le pied de celles des Lycées, continua à fonctionner dans les locaux de l'ancien Collège, qui occupait l'emplacement actuelle de la Sous-Préfecture. Sa façade principal donnait sur la rue actuel de la Sous-Préfecture, nommée alors rue du Collège ; il était longé, du côté Est, par la rue Sainte-Anne, aujourd'hui rue Michelet, et les communs donnaient sur la rue Brûlée, qui porte encore le même nom.

 

Classe de musique en 1903

Un coin de la cours d'Honneur (1910).

 

Construction du nouveau Lycée

    L'emplacement où il fut bâti le nouveau Lycée, et qui est l'emplacement actuel, s'appelait alors le Champ de Mars. La rue qui y accédait s'appelait déjà rue du Palais de Justice, et elle coupait en deux la rue royale dont les deux tronçons s'appellent aujourd'hui rue Jean Jaurès et rue Antoine Lécuyer. Une autre rue parallèle à la rue Royale et nommée rue Montpensier, coupait le Champ de Mars ; les deux tronçons restants sont aujourd'hui la rue Chantrelle et la rue Emmeré. Par ailleurs, le Champ de Mars, où furent élevés les nouveaux bâtiments, étaient bordé par deux rues, dont l'une, la rue Jean La Fontaine, existe encore, et dont l'autre, la rue Racine, à disparu depuis ; le dégagement qui en est résulté a permis, par la suite, de doter le Lycée d'un vaste parc et de bâtir, en 1935, l'actuel Petit Lycée.

 

Le Lycée de Saint-Quentin au XIXe siècle

    Le Lycée entra donc en possession de ses locaux en 1857, sous la direction de Monsieur Simonin, Principal promu au rang de proviseur. Pendant le reste du Second Empire, l'établissement devient de plus en plus prospère et tous les ordres d'enseignement alors en honneur y sont donnés. En particulier, outre l'enseignement secondaire normal, un enseignement spécial, institué en France par la loi du 21 juin 1865, y est organisé dès 1866. Cet enseignement comportait, outre l'instruction morale et religieuse, la langue et la littérature française, l'histoire et la géographie, et les langues vivantes, communes avec l'enseignement normal, les mathématiques appliquées, les sciences physiques et naturelles dans leurs applications à l'agriculture et à l'industrie, et des notions de législation et d'économie industrielle. Cet enseignement se prolongea longtemps encore, parallèlement avec l'autre, sous la IIIe République.

 

    En 1881, le Lycée de garçons fut heureux de prêter quelques-uns de ses professeurs au Collège Communal de jeunes filles qui venait d'être crée et qui, une dizaine d'année plus tard, devait être transformé à son tour en Lycée

 

    En 1885, peu après la mort du célèbre historien Henri Martin, sur l'initiative du sénateur Malézieux et de l'Union Fraternelle de l'Aisne à Paris, une proposition est faite à la municipalité de Saint-Quentin de donner au Lycée le nom d'Henri Martin. Cette proposition, appuyée d'autre part par l'Association des Anciens Élèves du Collège et du Lycée, recueille l'adhésion unanime des membres du Conseil municipal. Des démarches sont entreprises aussitôt auprès des autorités universitaires compétentes, et elles aboutissent beaucoup plus vite que celles qui avaient été engagées pour la création du Lycée, puisqu'un prospectus du Lycée que j'ai eu en main, et qui date de cette même année (1885), porte en tête les mentions suivantes : «Université de France  -  Académie de Douai  -  Lycée de Saint-Quentin (Lycée Henri Martin).

 

    Ce même prospectus mérite également notre attention à d'autre titres. D'abord, j'indique en passant que le siège de l'Académie, à cette époque, n'était plus Amiens, mais n'était pas encore Lille, ou plutôt il était partagé entre Douai et Lille, Douai ayant à son compte la Faculté des Lettres et Lille celle des Sciences.

 

    D'autre part, la lecture de ce prospectus donne d'intéressantes indications sur l'organisation du Lycée à cette époque. L'enseignement du 1er degré comportait alors une classe enfantine et trois classes primaires. Pour le second degré, il y avait l'enseignement secondaire classique conduisant au Baccalauréat ès-lettres ou ès-sciences, et l'enseignement secondaire spécial dont j'ai déjà parlé et qui s'adressait aux jeunes gens désireux de s'orienter vers les carrières commerciales et agricoles, ou les écoles d'arts et métier, d'agriculture ou de médecine vétérinaire. Cet enseignement permettait d'obtenir le diplôme de bachelier ès-arts.

 

    Les prix de la pension étaient de 800, 850 ou 900 francs par an, selon les âges; ceux de la  demi-pension de 450, 500 et 550 francs, et la rétribution scolaire, exigée de tous, de 120, 150 et 200 francs. Les internes sortaient le premier et le troisième dimanches de chaque mois, de 8 heures du matin à 8 h30 du soir, et des sorties de faveur pouvaient être accordées les autres dimanches, mais à partir de 10 heures, et seulement à ceux qui avaient d'excellentes notes. Si l'on songe que les transports étaient loin d'être alors développés comme ils le sont aujourd'hui, on comprendra qu'un tel régime ne permettait guère aux internes que les sorties en ville chez leurs correspondants, et que la plupart d'entre eux ne retournaient chez leurs parents qu'à Noël et à Pâques. Les pensionnaires d'aujourd'hui ne peuvent guère se plaindre du régime beaucoup plus libéral qui leur est appliqué.

La place du Lycée avant 1914

 

Part.2

 


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